1er juillet 2020

MUTATIONS ET CARRIÈRES

L’adaptation du poste de travail en raison de l’état de santé pour les enseignants, CPE, CO-PSY

Lorsqu’un fonctionnaire est reconnu, par suite d’altération de son état physique, inapte à l’exercice de ses fonctions, l’adaptation de son poste de travail est la première des obligations incombant à l’employeur public, avant une éventuelle recherche de reclassement (article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984). Elle peut prendre, pour les enseignants, CPE, et CO-PSY, deux formes réglementaires, suivant les cas (décret n° 2007-632 du 27 avril 2007) : l’aménagement du poste de travail occupé, qui peut en théorie être sollicité à tout moment de l’année scolaire, ou l’affectation sur un poste adapté, de courte ou de longue durée, cette dernière modalité étant prononcée, pour la rentrée suivante, après consultation de la CAPA du corps auquel appartient l’agent. Ces deux modalités peuvent même, pour certaines situations médicales complexes, se voir combinées.

La politique de santé appliquée aux personnels de l’Education Nationale reste indigente, et la déconcentration des opérations de gestion a accru, depuis 1999, les inégalités dans le traitement de situations identiques, selon les lieux d’exercice. On connaît déjà les grandes injustices générées par la procédure d’attribution rectorale des CLM, CLD, de reconnaissance des accidents de service ou des maladies professionnelles, des mises en retraite pour invalidité, avec de nombreuses différences, y compris entre départements de la même académie, selon les dysfonctionnements plus ou moins importants des comités médicaux et commissions de réforme… Mais le problème de l’insuffisance de moyens de la médecine institutionnelle affecte tout autant la médecine de prévention, confrontée à de sérieuses difficultés à répondre à ses multiples missions, et avant tout à recruter ses médecins, ainsi que les médecins conseillers techniques des recteurs.

La prise en compte des situations relevant du “ handicap ” s’est certes améliorée depuis la loi de 2005. L’employeur public qui n’en respecte pas les prescriptions et principes essentiels pourrait, ce faisant, commettre une discrimination susceptible d’être sanctionnée par la justice administrative. Cependant, depuis la publication du décret n° 2007-632 du 27 avril 2007, le dispositif applicable aux enseignants, CPE et CO-PSY relève entièrement d’une gestion académique. Celle-ci est limitée, de plus en plus, par des impératifs budgétaires fondant une philosophie de « turn over » imposé des personnels concernés par les différentes modalités de l’adaptation du poste de travail.

Depuis quelques années, le rectorat publie en début d’année scolaire une note de service annuelle précisant les modalités et délais (quand ils sont opposables) pour le dépôt des différents types de demandes d’adaptation du poste de travail, accompagnée de divers imprimés.

1- Les aménagements du poste de travail et les allègements de service d’origine médicale

L’aménagement du poste de travail est destiné à permettre le maintien en activité des personnels dans le poste occupé ou, dans le cas d’une première affectation ou d’une mutation, à faciliter leur intégration dans un nouveau poste.

Il peut consister en une adaptation des horaires, l’aide d’une tierce personne, ou encore le financement et la mise à disposition par l’employeur public d’un matériel spécifique adapté à un handicap. La prise en charge financière de matériels, via la mobilisation de fonds fléchés, n’intervient qu’à l’issue d’une procédure extrêmement bureaucratique à nos yeux, puisque supposant de la part de l’agent production de devis dans tous les cas, même les moins onéreux pour l’institution. Elle est limitée, dans certains cas, aux équipements pour lesquels la sécurité sociale et/ou la mutuelle, ou encore des organismes spécifiques, assurent déjà une prise en charge minimale.

L’aménagement peut également prendre la forme d’un allègement de service, attribué au titre de l’année scolaire suivante, voire de celle en cours, dans la limite maximale du tiers des obligations réglementaires de service.

L’allègement de service, comme les autres modalités d’aménagement, n’est pas soumis à consultation de l’instance paritaire, et son attribution est appréhendée de façon beaucoup plus restrictive depuis peu, au nom d’un caractère prétendument « exceptionnel » et, tout dernièrement, d’une difficulté de « mise en œuvre » souvent non attestée, selon les disciplines et les établissements.

Les personnels qui en bénéficient déjà, parfois depuis plusieurs années, subissent une forte incitation hiérarchique à demander, en lieu et place du renouvellement d’un allègement, un temps partiel de droit pour handicap, c’est-à-dire concrètement à financer pour partie leurs difficultés de santé, avec les conséquences négatives que l’on sait pour leur retraite. Cette pression ressort également, dans le meilleur des cas, d’une reconduction de l’allègement mais pour une quotité moindre que celle que leur état de santé rend nécessaire. Et ce, afin que le dispositif puisse en fait concerner alternativement, à moyens constants voire en baisse, un nombre plus important de personnels demandeurs.

Pour obtenir un allègement de service ou toute autre modalité d’aménagement du poste de travail, il faut tout d’abord en exprimer la demande, la procédure nécessitant un avis préalable du médecin de prévention ou du médecin conseiller technique du recteur, ainsi que celui du supérieur hiérarchique (chef d’établissement, ici). Cette demande initiale doit bien sûr être étayée par un dossier médical et un avis du médecin (et/ou spécialiste de la pathologie) personnel, se prononçant lui-même clairement dans ce sens.

Puis, l’autorité compétente prend une décision qui, si elle est favorable (elle doit donc être formalisée, en général sous forme d’arrêté rectoral) entraînera une mise en œuvre locale incombant au supérieur hiérarchique (on revient au chef d’établissement).

Or, des collègues nous saisissent régulièrement de difficultés rencontrées à ce dernier stade, parfois longtemps après le dépôt de leur demande (parfois même, plusieurs mois après la rentrée scolaire suivante), malgré des assurances purement verbales données à la fois par le médecin de prévention (« préconisations »), et les services du rectorat (DRH). Il nous aura déjà fallu quelques années d’interventions régulières à l’occasion des groupes de travail et CAPA sur les postes adaptés, pour obtenir que, dans ce domaine relevant de la même réglementation que celui des postes adaptés, des décisions rectorales formalisées soient communiquées aux intéressé(e)s. Mais ces dernières sont parfois très tardives et, dans certains cas d’aménagement du poste de travail ou d’allègements à accorder, encore inexistantes, lorsque, malgré des avis initialement favorables, l’administration tergiverse à la rentrée, arguant de difficultés de remplacement sur le bloc horaire correspondant à la quotité d’allègement accordée.

Ces retards à répondre à une obligation de l’employeur vis-à-vis de personnels dont l’état de santé ou le handicap exigent cette compensation, ainsi que les situations, de plus en plus nombreuses, où une « impossibilité de mise en œuvre » est tardivement opposée dans une décision négative, relèvent d’une inversion des rôles inacceptable. En effet, s’il appartient au chef d’établissement d’émettre un avis au stade de la demande, ce n’est pas à lui de trouver à la rentrée, à défaut de solution interne possible, un remplaçant externe pouvant assurer la compensation horaire d’un allègement de service, ou encore de se réfugier derrière l’absence de décisions finanicières de prise en charge de matériel spécifique, faute de quoi des collègues se retrouvent dans une situation délicate, qui mène bien souvent à une aggravation de la pathologie et à des arrêts de travail longs.

De deux choses l’une, ou la décision d’attribution existe, le rectorat doit alors la formaliser rapidement et en tirer toutes conséquences utiles afin que le chef d’établissement puisse organiser les services locaux dès la rentrée, ou l’incertitude générée pendant de longs mois par la contradiction entre simples assurances verbales et triste réalité locale doit être reconsidérée… comme une décision négative de l’autorité compétente, à savoir le recteur, rarement justifiable concrètement dans des fonctions comme les nôtres qui sont éminemment partageables.

Dans les cas de refus tardivement intervenus, expressément ou non, malgré les préconisations du médecin de prévention et un avis initial favorable du chef d’établissement, nous assurons le soutien de nos syndiqué(e)s, et les aidons, le cas échéant, à engager des contentieux, y compris en référé-suspension, la jurisprudence commençant à s’étayer en la matière, tant pour les cas de refus purs et simples non fondés que pour ceux où l’allègement accordé ou reconduit est inférieur à celui nécessaire à l’intégration ou au maintien dans l’emploi.

Quelques décisions de tribunaux administratifs commencent, en effet, à sanctionner l’administration pour des refus entachés d’erreur manifeste d’appréciation (TA MELUN Ordonnance du juge des référés 10 août 2013, n° 1305545-13) ou des (ré-)attributions d’allègements insuffisants au regard des préconisations médicales (TA BESANCON 9 juillet 2013, n° 1201155).

 Nous invitons donc les collègues placés dans de telles situations, qui souffrent toujours seuls de leurs conséquences, à nous saisir le plus tôt possible.

Rappelons ici que, dans de tels cas de figure, les dispositions du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 se rapportant aux attributions du médecin de prévention en matière de vérification de la compatibilité de l’état de santé de l’agent avec les conditions de travail liées au poste occupé imposent a minima, lorsque ses propositions d’aménagement ne sont pas agréées par l’administration, la motivation de ce refus et l’information du comité médical d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (article 26).

Enfin, l’attribution d’un allègement de service, sans incidence sur la rémunération de l’agent, implique bien entendu, comme l’exercice à temps partiel thérapeutique (modalité de réintégration après congé long, également conservatrice du plein traitement),  l’interdiction stricte d’effectuer des heures supplémentaires   (même des HSE, ce qu’oublie de préciser clairement l’administration), d’exercer des missions particulières (rétribuées par une IMP), ou encore de se livrer à cumul avec une activité autre, même accessoire. L’origine médicale reconnue de ces modalités d’exercice constitue en effet une claire contre-indication à toute surcharge de travail. Les situations de « bidouillage » local, proposées par des chefs d’établissement, et censées répondre a posteriori aux contraintes de dotation horaires globalisées trop étriquées, comme les propositions ponctuelles, doivent absolument être refusées, sous peine de voir le comptable public récupérer ultérieurement les sommes perçues à ce titre,... et l’administration revoir éventuellement l’allègement accordé, toujours provisoire.

Les chefs d’établissement n’étant pas toujours enclins à respecter strictement la hauteur de l’allègement accordé, notamment lorsque l’impact de l’application des pondérations amène à imposer une fraction d’heure supplémentaire année, en principe impossible dans cette situation, nous avons aidé une collègue syndiquée à faire valoir ses droits devant la juridiction administrative, et fait condamner le rectorat non seulement à lui rétribuer le dépassement imposé, mais également à revoir sa copie. En effet, pour ne pas payer son dû, l’administration s’était permis de revoir a posteriori la hauteur de l’allègement accordé, en la rognant à la baisse, pour permettre son ajustement fictif au service imposé par le chef d’établissement (TA NANTES 20 mars 2018, n° 1603393).

 Ne pas hésiter à nous saisir, donc, en cas de tentatives locales d’imposition d’un sur-service, même ponctuel. 

2- L’affectation sur un poste adapté

L’affectation sur un poste adapté de courte durée (PACD) est prononcée pour un an renouvelable dans la limite de 3 ans. Cette limite est impérative. Les affectations sur poste adapté sont nécessairement prononcées pour l’intégralité des fonctions correspondant au poste. L’affectation sur un PACD peut comprendre des périodes de formation et est éventuellement la seule à pouvoir être prononcée hors éducation nationale, par mise à disposition d’un organisme ou d’une autre administration ;

L’affectation sur un poste adapté de longue durée (PALD) est prononcée pour une durée de 4 ans, elle peut, en théorie, être renouvelée sans limite. Un enseignant peut bénéficier d’un PALD à tout moment (sans avoir à passer par un PACD), au CNED (ce qui requiert désormais, du fait de la dématérialisation, une bonne maîtrise de l’outil informatique et… une bonne connexion internet), mais aussi dans d’autres services de l’éducation nationale ou dans des établissements publics administratifs sous tutelle du ministère de l’éducation nationale .

Ces deux types d’affectation supposent, en amont :
 un état de santé pouvant les justifier, qui doit cependant être a minima stabilisé (complication supplémentaire pour les personnels en congé long au moment de la demande, pour lesquels ils peuvent constituer une modalité de reprise, tributaires de l’avis favorable du comité médical, et de la décision rectorale en ce sens),
 l’élaboration d’un "projet professionnel". D’où le renvoi préalable que fait la note de service rectorale, de façon un peu plus claire aujourd’hui, aux différents acteurs du conseil en carrière, et aux services sociaux du rectorat.

L’obligation pesant sur l’administration comprend la possibilité d’accorder un poste adapté pour préparer, le cas échéant, la réorientation professionnelle d’un enseignant déclaré inapte à l’exercice de ses fonctions. Ce dernier ne peut faire l’objet d’une procédure de reclassement, ou, en cas d’impossibilité, de mise à la retraite pour invalidité, voire, parfois, de licenciement pour inaptitude physique, qu’à la condition qu’il ait été constaté que l’adaptation d’un poste de travail à son état de santé, y compris, au besoin, dans une activité professionnelle différente, n’est pas possible (CE 15 novembre 2010, n° 330099).

Des modifications récentes (ordonnance du 19 janvier 2017) ouvrent par ailleurs une nouvelle voie alternative ou complémentaire à celle des postes adaptés, dans les cas d’inaptitude reconnue aux fonctions du fait de l’état de santé, en instaurant « une période de préparation au reclassement » avec traitement d’une durée maximale d’un an, assimilée à une période de service effectif.

D’autant que l’article R. 911-28 du code de l’éducation précise, depuis 2015 : « A l’expiration de la période d’affectation sur un poste adapté, le fonctionnaire, si son état de santé le permet, reçoit une nouvelle affectation dans le cadre des opérations annuelles de mutation de son corps d’origine ou, le cas échéant, est reclassé dans les conditions prévues à l’ article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat. ».

Chaque année, à l’occasion du groupe de travail d’attribution inter-corps, puis, le cas échéant, lors de la CAPA du corps concerné, nous interrogeons l’administration et le médecin conseiller technique sur tous les cas de refus d’attribution ou de renouvellement de PACD ou PALD et sur les modalités d’affectation des bénéficiaires (lieux, adaptation du poste de travail, etc…). Nous pointons notamment les cas où le reproche fait aux intéressé(e)s, toujours placé(e)s, du fait d’un état de santé fragile, dans une situation délicate, concerne l’inadéquation du « projet professionnel », parfois trop facilement invoquée par l’administration pour cacher le peu de variété des solutions offertes…

Les personnels demandeurs ont donc tout intérêt à nous transmettre copie de leurs dossiers en temps utile afin que nous puissions défendre au mieux leur cas lors de ces instances.